« Artistécrivain », sa personnalité est aussi mystérieuse que ses jeux de mots interpellants et à double sens. Car Noe est de tous les combats ! Sentimentaux, sociétaux, politiques et médicaux. Souvent engagés, ses mots résonnent comme des cris du cœur qui pansent des maux. Tandis que son style incisif et percutant sévit sur Instagram depuis le début de l’année, à La République des Rédacs, nous avons voulu lever le voile.
 Portrait de Noe Sovage
Biographie visuelle de Noe Sovage, recto/verso

Comment vous est venue l’envie de lancer votre propre marque, « Noe Sovage » ?

Sans doute l’âge, la trentaine qui approchait ! (rires) Plus sérieusement, des événements personnels m’ont fait réaliser que la vie est courte, alors j’ai foncé pour ne pas avoir de regrets ! Puis mon entourage me poussait depuis longtemps à rendre mes textes publics, du coup j’ai tenté ma chance ! Plusieurs mois de réflexion m’ont été nécessaires pour que mon projet soit cohérent et fidèle à ma personnalité. J’ai alors lancé « Noe Sovage ».

D’où vient ce pseudonyme androgyne ?

« Noe » était déjà le prénom de mon pseudo dans la musique, basé sur un jeu de mot anglais. Je l’ai gardé par habitude mais le côté androgyne n’était pas volontaire. En fait, l’ambiguïté est née sans le vouloir sur Instagram. Les premières personnes qui m’ont contactée pensaient autant s’adresser à un garçon qu’à une fille ! Et j’ai trouvé ça cool… du coup je n’ai pas cherché à dissiper le mystère ! (rires) Au final ça élargit les possibilités d’interprétation de mes textes, on peut se les approprier plus facilement sans être influencé par mon genre. Et comme par pudeur je ne m’affiche pas non plus physiquement, ça fonctionne pas mal.

Vous vous qualifiez d’« artistécrivain ». Quel sens a pour vous ce mot-valise ?

Au départ ça vient de mon parcours de formation, qui est majoritairement artistique. L’écriture s’est développée en parallèle, de façon complètement autodidacte. Mais finalement l’un a toujours influencé l’autre. Aujourd’hui, je ne me verrai pas seulement écrire pour faire un livre par exemple, j’ai besoin d’aller plus loin. Faire de la photo, peindre sur des murs ou des toiles, faire parler une marque, habiller un packaging, ou toutes autres formes créatives et artistiques se prêtant à donner vie à mes mots.

Que signifie l’accroche de votre compte Instagram « Vivre est vite arrivé » ?

Cette phrase vient prendre le contrepied de l’expression « Un accident est vite arrivé » ou « La mort ne prévient pas ». Notre société nous martèle sans cesse que le drame peut frapper à tout instant, j’avais envie de rappeler que l’inverse est aussi possible ! Il suffit d’un rien pour que le bonheur, l’amour bouleverse nos vies ! Et même quand le malheur survient, il ne tient qu’à nous de réussir à en retirer du positif. C’est ce que je cherche à faire dans mes créations, qui souvent retranscrivent des situations plutôt tristes. Réussir à trouver de la beauté en toutes choses, c’est le grand défi de la vie !

 Diaporama 1/6
 Diaporama
Des créations pleines de mots inspirés. Aspirants à vivre.
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-Pecho-image
    Une vision de l'absolution
    Crédit photo : Noe Sovage
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-Orageux-image
    Temps de haters
    Crédit photo : Noe Sovage
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-Don-Sang-image
    Les gestes qui sauvent
    Crédit photo : Noe Sovage
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-Ame-image
    Apprendre à viser
    Crédit photo : Noe Sovage
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-VIH-image
    Avec des mots, continuer la lutte contre le VIH
    Crédit photo : Noe Sovage
  • RREDACS-Noe-Sovage-Creation-Pansement-image
     Un pansement de mots, une création de Noe Sovage
    Pansement de mots magiques
    Crédit photo : Noe Sovage


Vous êtes graphiste de formation. Pourquoi cette envie de passer de l’image aux mots ?

En réalité c’est plutôt l’inverse. Je suis revenue aux mots après le graphisme, mais j’ai commencé par écrire. Les mots font partie de ma vie depuis toujours ! Plus jeune c’était un peu une béquille de secours, j’étais assez introvertie alors prendre un stylo était bien plus facile pour moi que de parler. Aujourd’hui même si ça reste un besoin, l’écriture est plutôt devenue un plaisir créatif. Au final ce n’est que très récemment que les mots ont pris le dessus sur ma vie professionnelle de graphiste !

Quels sont les premiers textes que vous avez écrits ?

Du rap ! C’est assez paradoxal mais le premier texte de rap que j’ai écrit est né en cours de musique parce que je m’ennuyais à mourir en écoutant les autres jouer de la flûte ! (rires) Tout est parti de là. Plus tard, j’ai commencé à faire des maquettes avec un pote, je passais mon temps à écrire en cours. Je mangeais rap, dormais rap, vivais rap, je me retrouvais vraiment dans cet univers ! Encore aujourd’hui, je suis très admirative de la richesse des jeux de mots dans cette musique, des métaphores… C’est souvent très imagé. On ne retrouve pas cela dans la variété par exemple. Le côté simple, direct, sans prétention du rap me touche et m’influence beaucoup. Les textes véhiculent souvent des messages forts avec une charge émotionnelle intense. Ces deux aspects sont restés gravés dans mon écriture. Encore aujourd’hui je rêverais de travailler avec un artiste comme Disiz par exemple.

Faites-vous une différence entre une écriture destinée à la réalisation d’une œuvre artistique et la rédaction d’un produit de communication ?

Oui, je pense qu’il y a quand même un supplément d’âme dans les écrits destinés à une œuvre artistique. On y met du cœur avant tout, alors que dans la com, on a tendance à réfléchir davantage en termes d’efficacité, d’impact et de rentabilité. La finalité est donc différente. On cherche en amont ce qui fera mouche, forcément ça transforme le processus créatif. La différence se joue peut-être au niveau de la spontanéité émotionnelle.

 Signature de Noe Sovage
Numérotation des carnets de citations

Pouvez-vous nous décrire votre processus créatif (lieux, moments, personnes, événements, outils, hésitations, soutiens…) ?

Oula, c’est très simple ! (rires) L’inspiration me vient un peu n’importe quand… Pour être honnête, c’est souvent dans des moments étranges comme en plein milieu du repas, en faisant la vaisselle ou quand je suis sur le point de m’endormir ! En dehors de ça, le cinéma et la vie de mon entourage sont aussi des facteurs d’inspirations importants. En fait, tout ce qui me provoque une vive émotion qu’elle soit négative ou positive me donne envie d’écrire. J’ai toujours un dossier « idées » ouvert dans mon téléphone dans lequel je peux jeter mes phrases brutes à n’importe quel moment. Ensuite je fais le tri en reformulant, en améliorant mes textes avant de les mettre en forme. Je demande parfois l’avis de quelques personnes pour être sûre que les subtilités soient bien comprises.

La force de vos textes réside dans leur brièveté. La contrainte est-elle gage de créativité pour vous ?

Quand c’est moi qui fixe la contrainte oui, ça me stimule ! Comme une sorte de défi ! Réussir en un minimum de mots à faire surgir autant de sens, de réactions ou d’émotions que l’aurait fait un paragraphe ou un chapitre entier, c’est un pari que je trouve très intéressant. Il faut décortiquer chaque situation pour trouver ce qui l’a fait vraiment exister, une sorte de quête de l’essentiel. J’ai longtemps eu peur que ce soit perçu comme réducteur, mais grâce notamment au street art et mon amour pour des artistes comme Miss.Tic, j’ai réalisé qu’il n’était pas nécessaire d’écrire des romans pour dire de jolies choses avec subtilité et consistance.

Dialogues, textes à la première personne… Votre écriture est marquée par l’oralité. Pourquoi privilégier cette tonalité ?

J’ai choisi cette forme parce que c’est simple, accessible et que tout le monde peut s’y reconnaître. C’est une forme de poésie des temps modernes. On garde la base poétique avec certains fondements comme la douceur et la subtilité mais on remplace la forme. Aujourd’hui tout va vite, avec les textos, les mails… Nous sommes habitués à lire des textes courts en permanence. On est aussi dans l’ère de l’instantanéité avec Twitter ou Snapchat, les gens lisent et écrivent comme ils parlent. J’ai donc gardé cette approche très orale pour avoir une poésie plus proche de notre époque. Puis, j’aime casser les codes, rompre les préjugés sur l’écriture. Sans pour autant dénigrer la littérature classique, je trouve que la légitimité d’un écrivain ne devrait pas dépendre de sa capacité à utiliser des mots savants ou un style sophistiqué. Il n’y a pas de « romans de gare » ou « de grands auteurs ». Pour moi, un bon écrivain c’est juste quelqu’un qui arrive à nous toucher.

 Mise en abyme des créations de Noe Sovage
Mise en abîme de ses créations

Aujourd’hui, on parle de plus en plus de contenu de marque (ou « brand content ») – au détriment du terme de « publicité ». Quelles évolutions observez-vous dans le rôle accordé aux mots dans la communication ?

Encore une fois je crois que les réseaux sociaux ont largement contribué à cette évolution. Quand on voit l’ampleur médiatique que peut prendre un tweet, on se dit qu’il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser une image pour avoir de l’impact ! Du coup, on laisse davantage les mots exister par eux-mêmes ! Puis j’ai l’impression que les publicitaires sont aussi plus à l’écoute de ce qui touche les gens, comme la musique ou l’art. On se retrouve par exemple avec du slam dans de grandes campagnes, des « artistes de rue » qui écrivent pour de grandes marques, et ça fonctionne très bien !

Quel pouvoir donnez-vous aux mots ?

Les mots ont énormément de pouvoir ! L’artiste Ben nous dit de se méfier des mots, il n’a pas tort. Les mots peuvent le meilleur comme le pire, on peut tout faire avec des mots : amuser, convaincre, aimer, raconter, inventer, mentir, croire, bouleverser, haïr, choquer, rêver, plaire, endoctriner… Les mots ont sûrement bien plus de forces durables que d’autres moyens de communication. Pour ma part, sans les mots je ne serais pas la personne que je suis. Ils ont donc eu un pouvoir énorme.

Quels mots vous qualifient le mieux ?

Oula, c’est dur ça ! Je dirais :  sensibilité, tendresse, humour, créativité, simplicité mais aussi complexité !

Vos mots préférés ?

Délicatesse, rêve, vivant, bienveillance, tendresse, enfance. De façon générale, j’adore les mots élégants qui ont un fort potentiel poétique comme une querelle, l’horizon ou bien l’asphalte.

Ceux que vous n’aimez pas ?

Ceux difficiles à prononcer ! (rires)

Faites-nous envie ! Quels sont vos futurs projets ?

Mon shop en ligne va ouvrir en octobre, on pourra y retrouver mes textes sous différentes formes : cartes réalisées à la machine à écrire, lettres peintes sur toile, mots tamponnés sur objets… Les articles seront faits mains ou imprimés en France sur papier recyclé, détail très important !
Sinon une collaboration textile avec Bizance, une jeune marque parisienne, verra le jour dans les mois à venir. Et bien sûr, des collabs tout au long de l’année que ce soit avec d’autres artistes, marques, ou sous forme d’installations artistiques dans des lieux sympas. J’ai aussi très envie de prêter mes mots à certaines associations ! Donc les propositions seront les bienvenues !

 En préparation d'un carnet de citations
En préparation d'un carnet de citations

Merci {beaucoup} Noe Sovage.  Si l’identité est levée, le mystère reste entier !

Quant à ses créations, elles se donnent à voir sur son site, son compte Instagram et sa page Facebook.