Aurait-il aussi trouvé l'élixir de jouvence ? Après des années, les textes auxquels il touche continuent de se transformer en or. C'était déjà le cas durant sa première vie. Celle de rédac. Ça a continué dans la seconde. Celle de parolier. Des campagnes Eram au Soldat Rose, on le suit, on l'écoute, on l'aime… À l'occasion de la sortie du dernier album d'Alain Chamfort, joliment nommé « Le désordre des choses », portrait et entretien avec Pierre-Dominique Burgaud.

De la pub à la musique, la transmutation des textes en succès

Le début de son parcours, Pierre-Dominique Burgaud le passe à l’agence Devarrieuxvillaret. Il y est concepteur-rédacteur. Il y reste huit ans, du milieu des années 90 à 2004. Il signe des campagnes pour Eram, Bocage, Mikli, Canal Jimmy, Visual. À chaque fois, ses accroches et ses dialogues font mouche. La profession ne s’y trompe pas. Huit années marquées par près d’une centaine de prix. La musique ne fait pas encore partie de son quotidien professionnel. Pourtant en 2001, elle croise sa route en la personne d’Henri Salvador. Cette année-là, Pierre-Dominique conçoit pour le chanteur un film qui sera réalisé par Ken Higelin, le fils de Jacques. Jolie coïncidence. Trois ans plus tard, il quitte Devarrieuxvillaret et rejoint Leg. L’expérience est courte, six mois, car Pierre-Dominique a une nouvelle voie. La musique.

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Sa parole est d'or

Son virage parolier s’est en effet opéré en 2002. Il écrit les textes des chansons du film « Filles perdues, cheveux gras » de Claude Duty. Au générique : Amira Casar, Marina Foïs, Olivia Bonany et Charles Berling. L’explosion arrive en 2007. Pierre-Dominique crée et écrit le Soldat Rose pour Louis Chedid. Est-il besoin de rappeler l’immense succès de cet album qui se vend à près de 550 000 exemplaires et reçoit la Victoire de la Musique du meilleur album de chansons ? Adapté en conte musical, il est couronné par le Globe de Cristal de la meilleure comédie musicale 2009. Tel l’adage du Loto « Tant que je gagne, je joue », celui qu’on appelle désormais Pierredo se lance dans la suite du Soldat Rose avec Francis Cabrel à la composition. L’album est récompensé par un disque de platine. Bref, tout lui réussit ! Ah, on oubliait. Il a aussi collaboré avec Mickey 3D, Johnny Hallyday, Pierre Souchon, Dani, Gaëtan Roussel, Stacey Kent…

Du désordre des mots aux jeux d'ombre et de lumière

La collaboration avec Alain Chamfort n’en est pas à son premier galop d’essai. Elle débute en 2005 avec « Les beaux yeux de Laure ». Pierredo signe le clip vidéo de la chanson. Victoire de la musique de la meilleure vidéo. Elle se poursuit en 2010 avec le disque puis le spectacle « Une vie Saint Laurent ». Huit ans plus tard, ce dernier opus nous livre dix titres en état de grâce. Une écriture intense, mélancolique et mélodieuse. Il y est question du temps qui passe, des choses qui trépassent, mais de l’espoir qui laisse ses traces. L’éternelle jeunesse n’existe sûrement pas. L’intemporel et l’universel, si.

Quel souvenir gardez-vous de vos années de rédac ?

Que des bons souvenirs. J’ai adoré mes années de publicité, peut-être parce que j’ai eu la chance de les passer auprès de gens brillants et singuliers : Philippe Michel chez CLM, Benoît Devarrieux chez Devarrieuxvillaret, Rémi Babinet pour… les freelances chez BETC. Je n’ai jamais rencontré de gens aussi forts depuis mon départ de la publicité (hors artistes, bien sûr).

Je travaillais beaucoup sans avoir l’impression de travailler. Avec toute une équipe d’amis qui ont fait leur chemin depuis : Stéphane Richard chez Jésus, Alain Picard chez Havas, Christophe Paviot et Fabien Chiaffrino chez Publicis, Georges Mohammed-Chérif chez Buzzman.

Comment expliquez-vous la transition du métier de rédac à celui de parolier ? À l'époque, s'agissait-il davantage de la lassitude du premier ou de la trop forte envie du second ?

Aucune lassitude du métier de rédacteur, mais l’intuition que j’avais vécu mes belles années. Soit je continuais en tant que rédacteur, avec le risque d’être assez rapidement dépassé par une nouvelle génération, soit je devenais patron d’agence ou de création, ce qui n’était pas dans mes envies, et, soyons honnêtes, peut-être pas dans mes capacités.

Je pensais aussi que le langage publicitaire (le slogan, le jeu de mots, l’ultra-simplification) allait s’épuiser. Ce sur quoi je me suis trompé. Il est devenu omniprésent partout : chez les politiques, les journalistes, les artistes. Et puis bon, il y avait aussi l’envie de se jeter dans « le grand bain ».

Il y a des similitudes entre écrire pour une marque et écrire pour un interprète ?

J’ai l’impression qu’il y a une similitude dans tous les métiers « à feuille blanche ». Que l’on dessine des robes, des bâtiments, que l’on écrive de la publicité ou des livres, il y a cette magie de : en quelques traits, en quelques mots, on transforme une feuille blanche en quelque chose qui émeut, qui fait rire, qui crée polémique, qui suscite de l’intérêt… J’aime beaucoup cette économie de moyens. J’adore chercher, tourner autour. J’adore même ne pas trouver (ce qui arrive 95 % du temps). Cette sensation je l’avais aussi en publicité.

On doit respecter la personnalité, le vocabulaire d’un artiste, comme on respecte la personnalité d’une marque. Mais pour moi, la comparaison s’arrête là. Je ne cherche plus l’efficacité extrême, le choc, le slogan.

Est-ce que les techniques acquises dans la pub (une idée une seule, importance de la forme, écriture en formats courts…) vous ont servi dans la chanson ? Ou bien diriez-vous qu'il y a la créativité de la langue, quelles que soient les disciplines ?

Indiscutablement, la capacité à synthétiser ma pensée vient de la publicité. À l’écrire de façon simple. Et surtout : à ne pas paniquer devant une feuille blanche.

En revanche, j’essaie de m’éloigner le plus possible de « l’idée ». En publicité, c’était le centre de tout. Dans ce que je fais aujourd’hui, j’essaie d’avoir un propos, de développer un style, mais de ne pas céder à des réflexes publicitaires de forme. Dans les grands livres que vous connaissez, les grandes chansons que vous aimez, il n’y a pas d’idée, pas de facilités formelles. Alain Souchon aurait pu écrire tout Foule sentimentale à base de « On nous Claudia Schiffer, on nous Paul-Loup Sulitzer ». Il n’en a fait que deux vers. Après il est allé ailleurs, chercher d’autres phrases magnifiques, d’autres images.

Continuez-vous à suivre la pub ? Quel est votre regard sur la pub d'aujourd'hui, l'évolution de la créativité ?

Non, je ne suis plus la publicité. Je n’ai plus la culture exhaustive de tout ce qui se fait partout dans le monde. J’y suis confronté comme tout le monde dans la rue et sur les profils Facebook de mes amis. Mais je me garde bien de donner un avis. Mes préoccupations ne sont plus là.

Un conseil à un jeune rédac ? Que pourrait-il puiser dans la chanson ?

Je crois que quand on a bien fait de la publicité, on peut faire plein de métiers différents ensuite. Des dessinateurs, des réalisateurs, des auteurs, des écrivains sont passés par la publicité. On apprend à chercher, à recommencer mille fois. On muscle sa créativité. Libre à chacun ensuite d’aller l’exercer ailleurs.