Une seule lettre vous manque
et tout est réécrit.
Le lipogramme ?
Une sorte de liposuccion littéraire ?
D’origine grecque, association de leipein (« enlever ») et gramma (« lettre »), le lipogramme consiste à produire un texte dans lequel on s’impose de ne jamais employer une ou plusieurs lettres de l’alphabet, voyelle ou consonne. Étymologiquement, c’est donc ce texte « à qui il manque une lettre ». Et pas n’importe laquelle. Quitte à s’imposer un défi, autant prendre le plus difficile. Écrire un texte sans ö n’est pas très audacieux. Choisir de retirer la lettre la plus fréquente dans la majorité des langues relève d’une autre trempe.
Une invention de l’Oulipo,
les rats dans leur propre labyrinthe
C’est bien l’exploit qu’accomplit Georges Perec en 1969 avec le lipogramme le plus célèbre de la littérature française : La Disparition. 226 pages ne comportant jamais la lettre « e ». Un véritable roman doublé d’un texte peu à peu hypnotique. L’écho du livre permit à l’époque de découvrir l’Oulipo. Créé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, rejoints par Georges Perec, l’OUvroir de LIttérature POtentielle s’était fixé une mission : explorer l’écriture sous contraintes. S’imposer des règles synonymes d’obstacles à l’écriture pour le commun des mortels. Des règles absurdes. Mathématiques. Poétiques. Peu importe. Puis démontrer que ces contraintes formelles sont source de créativité. La définition attribuée à Queneau est sublime. Il voyait le groupe comme « des rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ».