Jean-François Bouchet, concepteur-rédacteur chez DDB Paris vous livre les dessous de la campagne « Zéro alcool pendant la grossesse » pour Santé Publique France.

Tout d’abord, retraçons le contexte…

Pour un publicitaire, « la consommation d’alcool pendant la grossesse » constitue un sujet complexe. Parce que la France est une terre de vignerons. Parce que l’alcool est synonyme de fête et que la pression sociale reste soutenue lorsque l’on refuse un verre. Près de 40 % des femmes enceintes pensent d’ailleurs qu’une consommation occasionnelle ne représente aucun danger. Or, personne ne peut prouver qu’elles ont tort. En effet, s’il est admis qu’une forte consommation d’alcool est nuisible, aucune étude scientifique n’a su définir le seuil en dessous duquel il y aurait des risques pour le bébé… Dans ce contexte, toute invitation à la sobriété sera vécue comme la privation de trop pour des femmes auxquelles on a déjà interdit le tabac, certains fromages et le poisson cru et qui entendent profiter librement de leur corps. En parallèle de tout cela, il y a la terrible réalité du Syndrome d’Alcoolisation Fœtale : des milliers de bébés qui, ces dernières années, ont subi retards de croissance, troubles du système nerveux central, malformations ou déficiences intellectuelles ; et le drame familial que cela représente. Situation qui a poussé les pouvoirs publics à communiquer depuis de nombreuses années sur le « zéro alcool pendant la grossesse ». Un mot d’ordre que toute campagne doit impérativement intégrer, tout en ménageant les femmes qui apprennent leur grossesse au bout de plusieurs mois et ont peut-être bu dans l’intervalle.
Bref, une fois que nous avions tout ça en tête, il n’y avait plus qu’à « craquer le brief » pour la prochaine compagne de Santé Publique France…

Une idée fédère, celle du parallèle entre un verre d’alcool et un enfant

Nous avions brassé toutes sortes d’idées, parfois fortes, mais qui débordaient du cadre établi. Dans le lot, une seule a immédiatement su séduire tout le monde, d’abord à l’agence puis chez le client. Par sa tonalité, sa manière d’amener les choses, de conduire avec douceur à une sorte d’évidence, de responsabilisation en toute transparence. C’était celle qui établissait le parallèle entre un verre d’alcool et un enfant, comparait le plaisir fugace de l’un à ce que l’autre pouvait représenter au cours d’une vie. Chacun des textes, de ligne en ligne, dressait la liste des bonheurs – petits ou grands – qu’un verre resterait incapable d’apporter à une femme. Il semblait judicieux, pour atteindre le cerveau, de passer par le cœur.

Un processus de validation qui prend son temps

Il est apparu que les textes originaux présentaient un caractère trop « littéraire ». Il a donc fallu simplifier puis calibrer à la baisse. Supprimer certaines figures de style jugées trop compliquées. Remplacer tel adjectif ou tel verbe par un autre plus court et plus courant. Amender chacun des textes. Plus de vingt fois, si ce n’est quarante. La direction artistique a également subi toutes sortes d’évolutions. Une valse des graisses, des corps et des couleurs, avant même que la campagne ne soit transférée au ministère de la santé, pour approbation. Il a fallu retravailler. Et, au bout de quatre mois, trois jours avant l’échéance fatale – le 9 septembre, Journée Mondiale du SAF – le ministère a donné son aval.

L’accueil de la campagne

Au final, il semble que la campagne ait été bien reçue. Que l’on ait perçu la nécessité d’un « principe de précaution », mots essentiels qui justifient le caractère autoritaire du « zéro alcool ». Bien reçue, à quelques exceptions. Quelques personnes qui se sont offusquées qu’une telle injonction – « zéro alcool pendant la grossesse » – ait pu être énoncée par des hommes. Sauf que, là aussi, la réalité s’avère plus complexe : le staff de Santé Publique France est majoritairement composé de femmes ; et le ministère de la santé, ultime décisionnaire, est dirigé par une mère de famille, docteur en médecine – et accessoirement ex-belle fille de Simone Veil – à qui l’on peut difficilement… reprocher d’être un homme.

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Petit clin d’oeil de l’équipe créative… au temps où elle ne travaillait pas encore chez DDB !

Pour relire la chronique de la République des Rédacs sur la campagne, par ici !